« Tu ne feras pas d’idole, ni rien qui ait la forme de ce qui se trouve au ciel la haut, sur terre ici bas ou dans les eaux sous la terre » exode au ch. 20 verset 4. Les synagogues et les mosquées de par le monde ont respectées ce commandement, elles n’ont pas de statues comme en avaient les temples païens. Pourquoi les chrétiens les ont elles multipliées dans leurs églises ? La bonne raison pour avoir enfreint le commandement fulminé par Dieu au Sinaï, c’est que pour eux,Dieu n’est pas resté dans son splendide isolement sur la montagne, Il en est descendu, Il s’est décentré et en Jésus, Il s’est fait homme. Ainsi Le « Beau Dieu » de la cathédrale d’Amiens n’a rien d’une idole. L’honneur qui est rendu à cette statue par sa présence au beau milieu de la façade est un hommage qui « remonte au modèle original» (1) à savoir Jésus enseignant avec douceur et autorité dans les synagogues et sur les chemins de Galilée. Les amiénois sont attachés à cette magnifique œuvre d’art adossée au trumeau mais aucun picard de mémoire d’homme n’a mis un genou dans la fiente de pigeon pour l’adorer. Lorsque par la féérie des rayons laser, les centaines de personnages, prophètes, apôtres, pères de l’église, saints et bienheureux sculptés dans la pierre deviennent polychromes autour du « Beau Dieu », les spectateurs s’émerveillent mais ne se prosternent pas .Les plus croyants d’entr’eux se sentent fiers d’appartenir à une Eglise où tant de personnages ont pris au sérieux le « sermon sur la montagne »(2) . Le « Beau Dieu » serre dans son bras gauche la Bible, n’est il pas le Verbe, la Parole de Dieu faite chair ? Son bras droit levé invite avec sérénité les amiénois à entendre son message d’amour. « Quiconque vénère une image, vénére en elle la personne qui y est dépeinte »(2). Comment Dieu ne pourrait il être honorée par la beauté de l’image de Celui qui a ouvert les hommes à Sa Parole ?
Oui, me direz vous, mais dans nos églises les statues n’ont pas toutes la même beauté. il en est même de très laides qui donnent de la foi une image désuète .C’est vrai, ces statues là , il faudrait les regrouper dans quelque espace discret et en faire un petit paradis comme je l’ai vu faire dans une chapelle des hauts pays au carrefour de chemins de campagne. Leurs laideurs se neutralisent mutuellement. Leur rassemblement silencieux devient presqu’émouvant de candeur naïve. C’est le rassemblement de tous les bienheureux qui ont eu la chance d’entendre un jour l’invitation à partager le bonheur de Dieu. « Venez-les bénis de mon père »(3).Voila nos ‘’élus ‘’ de toute taille se serrant sous la pierre blanche dont on fait là haut des clos de cimetière, des granges et des églises. Ils sont protégés des pluies « à clochettes » par un toit de tuiles roses dominé par 4 tilleuls. Paradis de pacotille mais paradis quand même à la gloire des élus. Est il vrai que lorsque « l’homme essaye d’imaginer le paradis sur terre, ça fait tout de suite un enfer très convenable ? »(4) Je ne le crois pas et ne donne pas raison aux iconoclastes. Evitons la tentation de la pureté. Il est certains temples calvinistes qui sont sublimes dans leur dépouillement mais tragiques dans leur froideur. L’homme peut il se passer de signes palpables, de symboles parlants ? A la révolution on a cru effacer des siècles d’obscurantisme en cassant les statues avec la même rage que Polyeucte déployait contre les autels païens. La république à grands frais les a remises en place au titre du patrimoine .Les politiques qui ont pris cette décision n’ont pas voulu, bien entendu, redresser des idoles mais simplement rappeler la présence des saints dans notre héritage culturel. Croyants ou non, ils ont fait preuve de sagesse et les picards qui se tassent sous la pluie dans la nuit pour admirer le beau Dieu entouré de tant de beauté sublime leur donnent « diablement » raison .
4) Conversation dans le Loir et Cher
(1) St Basile 
(2) Concile de Nicée
(3)Matthieu ch. 25
